[RP hors Paris] Ayena, couturière du Languedoc

Nombre de messages : 77 Date d'inscription : 23/07/2011

[Languedoc, début février 1460]

Si elles vaquaient de jour à leurs occupations comtales, le soir venu, pour quelques jours encore, Aimelina et sa bientôt marraine Ayena vivaient toutes deux dans le Donjon de Saint-Félix, posé solitaire dans le massif de la Clape, à trois fois rien de la mer. L'hiver dans le Sud était plus doux... Mais savait être vite rigoureux sitôt entré dans les terres, vers la Montagne Noire, les Cévennes, le Gévaudan ou les Pyrénées. Et Aimelina avait des raisons d'aller autant en Gévaudan que dans les Pyrénées, et son souci d'avoir de chauds vêtements n'était pas sans fondement.

Ce soir-là, Aimelina brodait de sa seule main valide un listel tendu sur un métier à broder sur pied ; le fait d'avoir une seule main lui demandait mille précautions et nécessitait pour la broderie d'un listel autant de temps qu'il en faut à d'autres pour en broder dix. Mais la performance n'était pas son objectif ; oisive par nature, elle avait du temps à perdre. Parfois elle posait son aiguille et prenait dans une assiette ou un bol non loin une pousse de salicorne au vinaigre.

-« Ayena ? La robe que vous avez présenté au grand concours de couture... En avez-vous gardé les patrons ? »

Alors qu'Aimelina se concentrait sur son ouvrage de cent jours, Ayena, elle, encore plus oisive que sa future filleule, avait les yeux perdus dans l'âtre, se grisant des oranges, des jaunes et des buches qui crépitaient. Venir s'installer ici avait été une bonne idée : au moins, elle ne se trouvait pas seule et profitait de la compagnie d'une âme fraiche qui ne lui en demandait pas trop. Car le "trop" était devenu un mot qui horripilait la Demoiselle.

D'Alquines sursauta presque lorsque le silence fut brisé par la voix légèrement aigu de son hôtesse.

- Le concours ?

Quel concours ? Parler à Ayena provoquait chez elle de brusques retours à la réalité depuis quelques temps. Toujours perdue dans ses pensées de mariage, d'amour et d'avenir, elle oubliait parfois qu'il existait un présent.
Son esprit carbura.

- Ha ! Pour la Saint Noël ?

En même temps, c'était le seul concours auquel elle n'avait jamais participé. Alors oui, ça devait être celui là.

- J'ai gardé les patrons, oui. C'est que, comme le modèle n'a rien gagné, il faudra bien que je l'adapte pour le rentabiliser.

Logique. Mais avait-on le droit de parler d'argent avec une amie ? Boarf. On était plus à ça prêt.

- Pourquoi ?

Nombre de messages : 77 Date d'inscription : 23/07/2011

Pourquoi ? Question évidente. Réponse en deux temps. La Linèta posa son aiguille et se remua sur ses coussins. Elle en profitait pour dégourdir ses épaules et sa nuque.

-« Parce que cette robe était jolie. »

Chomp chomp, la salicorne.

-« Sauf les couleurs, elle serait bien mieux en bleu et jaune. Ou bleu et blanc. Qu'en pensez-vous ? »

L'autre raison, non des moindres, viendrait sans doute : Aimelina s'était déjà tant affichée, à l'extérieur, avec ses deux robes d'hiver ! Elle ne pouvait décemment pas se vêtir encore ainsi, au moment de paraître au mariage de sa marraine. Mais ses robes d'hiver, achetées aux Doigts d'Or, lui avaient coûté les yeux de la tête, si bien qu'il lui restait là bas encore deux créations à payer, pour plusieurs milliers d'écus... Et qu'elle ne voulait ni pouvait payer cela ; elle n'était pas allée les récupérer et était fichée mauvaise payeuse. Bigre bigre bisque rage. Les tarifs de Deco étaient moindres, et avec un peu de chance, Ayena ne salerait pas inutilement la note. Voilà, dans le fond, la seconde raison : il lui fallait un beau vêtement, et il fallait qu'il ne coûta pas un bras. Déjà qu'elle n'en avait plus qu'un...

Spoiler:

Quelle idée. Les gens avaient tendance à ne pas apprécier la couleur et à le faire remarquer sans esse à Ayena qui était du genre à adorer ce qui se faisait de plus voyant. Le orange n'était pas assez porté, c'était indubitable : si seulement Ayena avait eu un blason orange au lieu du rouge si commun !
Devinant qu'une adaptation se profilait, d'Alquines réfléchit un instant, se perdant de nouveau dans le feu ardent qui fulminait dans l'âtre.

- Moui. Ou bien on peut reprendre franchement les motifs de votre blason, comme vous voudrez.

Sous entendu : ouai, je te fais ça poupette, je peux bien, tu m'héberge gratis...

Nombre de messages : 77 Date d'inscription : 23/07/2011

Erreur. Grossière, grossière erreur, que celle que venait de commettre l'Alquines. Pousser Aimelina dans les retranchements du mauvais goût. Le pire était bien que la Sìarrette y fonçait tête baissée, convaincue que tout ce qui était le plus visible et percutant était forcément le mieux à porter pour un noble assumant son rang.
Bling bling power.
Avec un sourire ravie, elle répondit :

-« Vraiment ? Oh, ce serait merveilleux ! L'azur et la fasce fuselée de Saint-Félix, en jupe peut-être ! Et les manches à carreaux bleu et or, ou le voile de la coiffe, ou l'écharpe ! Ou tout cela ! Oh, je vous fais confiance, ce sera somptueux. »

Même pas elle s'étonne, la donzelle, du naturel avec lequel l'Alquines avait supposé que la robe était pour elle. Bien sûr, le fait qu'elle portât la plupart du temps du bleu en hommage à ses couleurs n'y était pas pour rien...

-« Ce pourrait être bien vêtu, pour aller à vos noces ! Mais enfin vous n'aurez sans doute pas le temps, d'ici là... »

Oui, Ayena était du genre à apprécier les nobles qui affichaient sur leurs vêtements les couleurs de leurs blasons. Quittent à faire un peu too flashy.

- Mes noces ? Grand Dieu, j'espère bien que d'ici là j'aurais fait quelque chose à votre gout.

Ou délégué une commande, aprce qu'elle avait déjà assez de travailler sur sa propre tenue.

- Nous arriverons à trouver de quoi vous vêtir.

Spoiler:

Nombre de messages : 77 Date d'inscription : 23/07/2011

La Linèta engloutit une paire de brins de salicorne avant de répondre, suspicieuse :

-« J'ai peur de ne pas comprendre, Ayena... Ce quelque chose pour me vêtir, vous ne pensez pas avoir le temps de faire cette robe, mais opterez pour un autre modèle ? Ou alors je divague ! »

Entre ce que l'interlocuteur veut que l'on comprenne et ce que l'on comprend, il y a un monde...
La Linèta en vérité avait cru à un refus de l'Alquines - en mode "T'en demandes un peu trop, cocotte".

-« Je peux comprendre qu'il soit malaisé d'adapter ce modèle à mes mesures, ou de coudre sans grands frais les multiples carreaux bleu et jaune ! N'hésitez pas à me dire non, Ayena, cela ne changera rien entre nous. »

Spoiler:

Elle secoue la tête.

- C'était une façon de parler. Vous aurez ce modèle, ne vous en faites pas ! Je verrai si j'ai le temps d'y faire les détails de votre blason, mais le cas échéant, la tenue sera juste plus simple, quoique dans vos couleurs.

Spoiler:

Nombre de messages : 77 Date d'inscription : 23/07/2011

Et Aimelina eut le modèle, en deux fois, même, double effet kiss-cool, double plaisir ! Elle remercia bien fort son ami, et puis vint la question de... mince, c'est un gros mot dans la bouche de la Linèta... vint la question du paiement. Tatatatam !

Euh... A n'importe quel client, elle aurait demandé 250 écus pour ce modèle. Donc avec le double effet kiss-cool, 500 écus. Mais pour une amie... On fait un moment de la main pour faire comme si cela importait peu alors que ça importe puisque sa dot n'arrivera pas de suite et qu'un mariage coute pire qu'un oeil. Et puis, on se détourne un peu pour ne rien dire dans les yeux, on rejette sa coiffe en arrière avec négligence et on souffle :

- 350 écus. Mais, quand vous voudrez.

Enfin, il ne faudrait pas non plus qu'Aimelina s'habitue à ce genre de largesses. Ou qu'elle croit que d'Alquines bradait ses oeuvres ! Boaf. Après tout, qu'elle comprenne ce qu'elle voudra !

Nombre de messages : 77 Date d'inscription : 23/07/2011

-« Bien entendu, je n'y manquerai pas ! »

Sournoise Alquines ! Mais le bénéfice, pour Aimelina, c'était que la note était, dans tous les cas, bien moins élevée que tout ce qu'elle aurait pu acheter aux Doigts d'Or, même une paire de gants. Et pour ses finances instables, c'était une bonne chose. Du reste, "Quand vous voulez", ce pouvait fort bien être au printemps, ou à l'été ! Lorsque l'on vendrait les premiers fenouils de ses terres, recherchés, notamment, pour concevoir solutions antiseptiques et amincissantes. Oui, à ce moment-là, si elle y pensait, elle pourrait régler Ayena.
Aimelina était bien loin de l'adage "Les bons comptes font les bons amis" ! Elle vivait plutôt selon l'idée qu'un ami vous pardonnait tout, ou ne l'était pas. Bien commode, n'est-ce pas ?

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